L’ogre Apple (toutes ces sociétés qu’Apple a achetées)

Plus que tout autre domaine de l’industrie, le monde informatique est l’objet de créations, fusions et rachats incessants de sociétés. Apple, bien que longtemps discrète sur cet aspect de son activité, n’échappe pas à la règle. Ces dernières années, le rythme de ses achats s’est accéléré et se ressent sur les technologies qu’elle commercialise. Cependant, les données relatives aux acquisitions sont rarement rendues publiques et certaines d’entre-elles ne sont même jamais officialisées. À l’origine, les informations qui suivent ont donc souvent été obtenues sur la base d’indices, tels que des bilans comptables, des analyses de CV, des témoignages, ou des similitudes dans des technologies ou logiciels.

Durant ses premières années, Apple ne s’autorise aucune acquisition. Bien au contraire : la première grande opération de la marque consiste à se séparer de sa division logicielle en 1987. Apple crée alors une filiale, Claris, chargée de poursuivre de manière indépendante le développement des logiciels MacPaint et MacWrite, pour éviter toute accusation de concurrence déloyale envers les autres développeurs. La filiale se fera notamment connaître pour son excellente suite bureautique ClarisWorks, qui reviendra sous l’aile d’Apple en 1998 et qui sera renommée AppleWorks. Pour la petite histoire (mais l’on s’éloigne un peu du sujet), ClarisWorks était lui-même le fruit de l’acquisition de StyleWare par Claris en 1988, et StyleWare n’était rien d’autre que la petite entreprise de Scott Holdaway et Bob Hearn, deux anciens de… Claris ! Au moins, on restait en famille, ce qui ne fut pas le cas quand, le 12 juillet 1988, Claris fit l’acquisition de Nashoba Systems, qui développait depuis plusieurs années le logiciel FileMaker. En 1998, c’est d’ailleurs sous le nom de FileMaker Inc. que Claris prendra son indépendance.

En attendant, dès l’année suivante, Apple acquiert trois entreprises coup sur coup, entre mars 1988 et janvier 1989 : Network Innovations, Orion Network Systems, puis Coral Software tombent sous l’escarcelle de la marque à la pomme. Network Innovations, la toute première acquisition d’Apple, développait CL/1, un outil qui devait permettre aux Macs de se connecter plus facilement aux serveurs VAX produits par DEC. Orion Network Systems proposait le même type d’outils mais pour la connexion aux serveurs SNA d’IBM. Enfin, Coral Software se spécialisait dans les langages de programmation et l’intelligence artificielle.


Voilà pour les discrets débuts. Suivent quelques années de diète forcée, les finances d’Apple n’étant pas au plus haut. Jusqu’à cette journée du 20 décembre 1996, quand Apple annonce qu’elle rachète la société NeXT, créée par Steve Jobs après son éviction d’Apple en 1985. Comme un symbole, la veille du solstice d’hiver. Comme pour dire que le pire est passé, que les jours meilleurs arrivent. Des jours meilleurs qui ne sont pas donnés, 400 millions de dollars dont 50 millions pour éponger les dettes de la mariée : la partie se joue à quitte ou double pour Apple dont on dit que les finances sont au bord du gouffre. Avec ce rachat, Apple reconnaît surtout qu’elle a été incapable, durant les dix années précédentes, de mettre au point Copland, le nouveau système d’exploitation destiné à remplacer son Mac OS vieillissant. Gil Amelio l’annonce immédiatement : les pièces d’Apple et de NeXT s’assemblent mieux que toutes autres, et les premiers Macs équipés du système NeXT sont promis pour 1997 !

Avec NeXT, Apple rachète donc le système d’exploitation NeXTStep et ses technologies de développement modernes, à commencer par WebObjects qui est resté ensuite de longues années au catalogue de la marque. Elle accueille également à nouveau Steve Jobs, qui devient le principal conseiller de son CEO, Gil Amelio. C’est peut-être ce « détail » qui sera l’élément le plus important pour la suite de l’histoire, et qui faisait défaut à toutes les autres pistes envisagées par Apple : BeOS, Solaris, et même Windows NT ! Comme le notent alors les observateurs, Steve Jobs apporte à Gil Amelio et Ellen Hancock le charisme dont Apple manquait.

La suite, on la connaît : dès septembre 1997, Steve Jobs redevient CEO d’Apple, présente deux premières versions de son nouveau système Rhapsody, puis annonce Mac OS X en 1998 et promet sa sortie pour 1999. La promesse sera tenue, avec la disponibilité de Mac OS X Server en mars 1999. Le public attendra Mac OS X beta (commercialisé à l’Apple Expo le 13 septembre 2000), puis Mac OS X 10.0 le 24 mars 2001. Steve Jobs l’annonce alors : Mac OS X sera le système d’Apple pour les quinze prochaines années, comme l’avait été son prédécesseur depuis 1984. Et depuis 1999, le petit nouveau évolue version après version… et perdra finalement son nom « OS X » au profit d’un retour à « macOS » en 2016, à l’époque où Apple gère désormais quatre systèmes d’exploitation : macOS, watchOS, iOS et tvOS pour ses différentes plateformes.

L’une des premières décisions de Steve Jobs, devenu PDG par intérim de la société en juillet 1997, est de racheter pour 110 millions de dollars une grande partie des actifs de l’entreprise Power Computing dès le mois de septembre, mettant fin par la même occasion à la politique de licence de MacOS qui permettait à d’autres constructeurs de fabriquer leurs propres Macs. PowerComputing, c’était aussi une infrastructure de vente sur Internet très performante, qui permettra à Apple de se lancer dès novembre 1997 dans le e-commerce avec l’ouverture de l’Apple Store sur internet. En ligne de mire : Dell, et son site de vente en-ligne de PC qui avait fixé les règles de l’art en la matière, en moins de deux ans. D’autres acquisitions suivront dans le même domaine de compétence, comme l’entreprise Blue Fish Labs, spécialisée dans la création de sites de e-commerce, achetée en avril 2001.

Images : Antnik Retro Computer

En 1998, c’est chez Macromedia que la Pomme va faire ses emplettes. La firme, connue pour son logiciel de création multimédia Director, a dans ses cartons un projet de logiciel de montage vidéo surnommé « Key Grip ». Le projet est mené par Randy Ubillos, créateur de Premiere chez Adobe en 1991, et qui avait rejoint Macromedia pour reprendre de zéro la programmation d’un logiciel similaire. Mais le projet n’avance pas et la firme souhaite se recentrer sur le développement web. Sans conviction, Apple rachète le projet déjà rebaptisé « Final Cut », pour 7 millions de dollars.

En une année, les équipes d’Apple vont mener le projet à terme, sous le nom de Final Cut Pro. La première version du logiciel est présentée le 20 avril 1999 au NAB de Las Vegas. Pour Apple, le travail a consisté à intégrer QuickTime et la norme FireWire au sein du logiciel. L’acquisition de la vidéo devient aussi simple que brancher un câble et cliquer sur une icône. Un PowerMac G3 et Final Cut Pro : une solution professionnelle complète pour un dixième du coût habituel. Le logiciel vaudra un Emmy Award à Apple en 2002 pour son impact sur l’industrie audiovisuelle, un an après le premier qui venait récompenser l’invention et la commercialisation de la norme FireWire.

Quelques mois plus tard, le 5 octobre 1999, c’est iMovie qui fait son apparition. Directement issu de Final Cut Pro, il en reprend les principes de base dans une interface simplifiée et adaptée au grand public. Le logiciel est fourni en standard avec les premiers iMacs DV, équipés de FireWire.


En 1999, Apple rachète à Acorn ses parts dans Xemplar Education, une joint-venture en charge de la commercialisation des produits des deux marques auprès des institutions du monde de l’éducation en Grande-Bretagne. La même année, la firme achète Raycer Graphics, un petit fabriquant de puces spécialisées dans la 3D, qui n’avait pas encore commercialisé son premier produit ! En janvier 2000, c’est NetSelector qui disparaît dans les griffes de l’ogre Apple.

Dans la foulée, Apple commence à s’intéresser à un autre domaine. Au second semestre 2000, la marque rachète à Casady & Green son logiciel SoundJam ainsi que son principal développeur, Jeff Robbin. Il faudra plusieurs mois pour aboutir à iTunes, premier du nom, le juke-box d’Apple. En plus des fonctions de lecture de CD et de MP3, Apple a ajouté le support du G4 pour l’encodage, ainsi que la technologie de gravure de CD acquise quelques mois auparavant avec le rachat de Radialogic, éditeur du logiciel CD Master. iTunes accompagnera les ordinateurs d’Apple pendant dix-huit ans, jusqu’à son abandon en juin 2019.

Dans le même temps, Apple continue ses acquisitions dans le domaine de la vidéo afin de compléter son offre. Le 10 avril 2000, elle annonce le rachat des technologies de création de DVD d’Astarte, une société allemande. Le 26 avril 2001, elle rachète Focal Points System, éditeur du logiciel FilmLogic. Puis, en juillet 2001, c’est au tour de Spruce, une société californienne, d’être absorbée par la Pomme. Cette société développait des logiciels de création de DVD, mais aussi des technologies d’encodage et de distribution de DVD par internet.

Dans le même temps, le 9 janvier 2001, la société commercialise iDVD et DVD Studio Pro, destinés à la création de DVD à partir des films montés sur iMovie ou Final Cut Pro. Le premier est gratuit tandis que le deuxième est proposé pour 999 dollars. Ces logiciels sont destinés dans un premier temps aux nouveaux PowerMac G4 équipés du SuperDrive, un graveur de DVD. Rapidement, ils seront étendus aux iMacs, PowerBooks puis iBooks équipés du même SuperDrive. Ils resteront au catalogue jusqu’à la fin des années 2000 : DVD Studio Pro s’éteindra doucement dès 2007 sans recevoir de mise à jour ; iDVD disparaîtra des nouveaux Macs après une dernière mise à jour durant l’été 2011. Pour Apple, il était temps d’abandonner les supports optiques pour se consacrer à la vidéo en-ligne.

De manière plus confidentielle, Apple rachète en mars 2001 la société PowerSchool et ses 160 employés pour 62 millions de dollars. La firme devient ainsi leader sur le marché des solutions permettant de gérer informatiquement la scolarité : bulletins de notes, appréciations, absences, emplois du temps, le tout consultable sur Internet par les parents… L’ensemble sera revendu en mai 2006 à la société Pearson, qui s’engagera à rendre la solution compatible avec l’iPod.

Toujours dans le domaine de la vidéo, Apple acquiert en février 2002 Nothing Real, l’éditeur de Shake, un logiciel de compositing utilisé dans les plus grandes productions cinématographiques. Puis en juin, c’est la société Silicon Grail, éditeur de RAYZ et Chalice, qui y passe, juste avant Prismo, éditeur d’India Titler Pro. Apple détient ainsi les principaux outils d’effets spéciaux et de générateurs de caractères pour le cinéma. Dès juillet 2002, la marque proposera sa propre mise à jour de Shake. Les outils de titrage et d’effets spéciaux seront quant à eux intégrés aux mises à jour de Shake et Final Cut Pro.

Le 4 avril 2002, Apple achète une société créée par plusieurs de ses anciens employés : Zayante. Spécialisée dans la norme FireWire, elle développait des logiciels et des équipements électroniques utilisés par les principaux acteurs du domaine. Difficile alors de ne pas faire le lien avec l’iPod qui commence à faire parler de lui et qui est alors uniquement disponible en FireWire (l’USB ne fera son apparition qu’un an plus tard). Par ce rachat, Apple fait revenir dans son giron les inventeurs de la norme FireWire et ses principaux supporteurs, à commencer par le PDG de Zayante, Prashant Kanhere.


En juin 2002, Apple rachète Propel Software, dont les outils visent à accélérer et optimiser la communication sur Internet, par le biais d’outils de compression et de mise en cache, ainsi que par le blocage des publicités en-ligne. Pour mémoire, nous sommes sept ans avant la première apparition d’AdBlock !

Le 2 juillet 2002, le rachat de Emagic par Apple ne passe pas inaperçu : créateur du logiciel Logic, destiné au traitement audio et à la création musicale, la firme est le principal acteur du marché musical professionnel. En dix-huit mois, Apple va combiner la douzaine d’outils vendus auparavant par Emagic, pour en tirer deux logiciels : Logic Pro 6 et Logic Express 6 pour les amateurs. Ces deux logiciels apparaissent en janvier 2004, en même temps qu’une version grand-public, GarageBand, fournie avec la suite iLife et tout nouveau Mac. Grâce à Mac OS X et son Core Audio, ces logiciels bénéficient de toutes les technologies modernes pour traiter le son en temps réel. Par la même occasion, Apple supprime du catalogue les versions Windows des logiciels Emagic.

En juillet 2004, une « entreprise internationale » rachète à Arizona Software son logiciel Curvus Pro. Aucun détail n’est donné par l’ancien éditeur, mais il semblerait bien que ce soit Apple, puisque l’on retrouve un logiciel quasiment identique dans Mac OS X « Tiger », sous le nom de Grapher…

En mars 2005, c’est la société SchemaSoft qui tombe dans l’escarcelle d’Apple, avec toutes ses technologies d’extractions de données au cœur des fichiers de toute nature : PDF, Word, Quark… De là à voir un lien avec Spotlight, la technologie de recherche au centre de Mac OS X 10.4, il n’y a qu’un pas… Cependant, cette dernière avait été présentée bien avant le rachat. Peut-être les technologies de SchemaSoft ont-elles enrichi Spotlight ou iWork ? Ou Apple a-t-elle cherché par ce rachat à éviter qu’un concurrent ne vienne marcher sur ses plates-bandes ?

En juin 2005, FingerWorks, une petite société américaine spécialisée dans le multi-touch (technologie relative à l’utilisation de plusieurs doigts sur une surface sensible pour commander un ordinateur) cesse officiellement ses activités. Elias et Westerman, ses deux créateurs doctorants, n’avaient pas forcément compris tout l’impact de leurs inventions, se cantonnant à créer de petits claviers capables de supporter également des gestes du bout des doigts. Il faudra plusieurs années pour que ce rachat soit quasiment officialisé, par le dépot de brevets pour Apple, au nom des deux créateurs de FingerWorks. Ce rachat a permis à la marque à la pomme d’acquérir un nombre important de brevets sur cette technologie (notamment les fameux gestes de zoom sur une image), leur donnant une avance de plusieurs années sur la concurrence (Google n’osera le multitouch sur Android qu’en 2010).


En octobre 2006, c’est au tour de Proximity, un éditeur spécialisé dans les outils vidéo : artbox, videoripper, xenotrack, xenostore. Autant d’outils de gestion et de production de films, clips ou émissions… Parmi les autres cordes à son arc : la diffusion de vidéos en ligne. Un indice au sujet du développement du rayon « Vidéos » de l’iTunes Store ? Deux mois plus tard, Silicon Color annonce le rachat de ses technologies, notamment l’outil de correction de vidéos FinalTouch, par Apple. Ses logiciels étaient justement devenus compatibles avec les Macs depuis peu.

En juillet 2007, Apple rachète le code-source de CUPS, une technologie « open-source » de gestion d’imprimantes, et embauche son concepteur par la même occasion. En réalité, Apple utilisait déjà cette technologie libre au sein de MacOS X pour gérer les impressions, tout comme d’ailleurs la plupart des distributions Linux, mais elle se permet ainsi d’en initier les évolutions au plus près.

Le 23 avril 2008, Apple annonce avoir acheté la société PA Semi, spécialisée dans la conception de processeurs très basse consommation. Montant de la transaction : près de 280 millions de dollars selon les experts. Clin d’œil de l’histoire : cette société a basé ses recherches sur la technologie PowerPC, celle-là même qu’Apple a abandonné deux ans auparavant. Le fondateur de la société, Dan Dobberpuhl, connu pour avoir auparavant inventé les processeurs Alpha et StrongARM, présente son dernier bébé comme trois fois plus efficace que ses concurrents, à commencer par les produits d’Intel. La plupart des produits de PA Semi sont intégrés dans des produits militaires, faisant craindre à l’armée pour la sécurité de ses technologies et la pérennité de son approvisionnement après ce rachat. Apple maintiendra une équipe en charge de cette clientèle particulière.

Il faudra de longues semaines de spéculation, pour que Steve Jobs consente à s’expliquer sur ce rachat : à terme, la firme souhaite concevoir ses propres « System on chip », ou « système sur puce ». Ainsi, les produits Apple gagneront en efficacité (l’intégration entre le logiciel et le matériel étant encore plus aboutie), en sécurité et en fonctionnalités, sans aucune possibilité pour ses concurrents d’intégrer ces mêmes puces dans leurs produits. De plus, PA Semi étant un concepteur de puces, et non un fabriquant, c’est surtout en terme de matière grise que ce rachat se justifie. On goûtera les progrès d’Apple dans le domaine des processeurs avec les puces A (A4, A5, A6…) dans les iPhones et iPads, puis les puces M (M7, M8…) en charge de les épauler dans la détection des mouvements de l’utilisateur, S (S1, S2…) dans l’Apple Watch, W1 (dans les casques audio) et enfin T1 (qui dirige le lecteur d’empreinte Touch ID dans le MacBook Pro depuis 2016).


Avec un peu de retard, Apple flaire à cet époque l’intérêt de disposer d’une base géographique de qualité : que ce soit pour le GPS, la conduite autonome, la réalité augmentée, la publicité ciblée, il faut à tout prix connaître l’environnement géographique de ses utilisateurs. Or, pour filer la métaphore animale, Apple renifle surtout le derrière de Google, qui a pris de longues années d’avance dans le domaine. Apple décide alors d’accélérer ses acquisitions dans le domaine : Placebase durant l’hiver 2009 (spécialiste de la gestion de cartes géographiques et des données associées – donc concurrent de Google Maps), Poly9 en juillet 2010 (elle-aussi concurrente de Google Maps), C3 Technologies en août 2011 (intégration de données 3D dans des cartographies). Il se murmure d’ailleurs que les équipes de ces sociétés ont été regroupées dans une unité dénommée « Sputnik », en référence à la crise qui avait marqué les Etats-Unis à la suite de la mise en orbite du premier satellite russe. C’est dans cet état d’esprit que les dirigeants d’Apple envisagent alors de rattraper leur retard sur Google en lançant Apple Maps (Plans, en français) qui sera finalement officialisé en 2012, dans la cacophonie de bugs et d’incohérences que l’on connaît. Il faudra plusieurs années pour obtenir une application vraiment fonctionnelle, et les achats dans ce domaine ne manqueront pas, comme nous allons le voir.

Dans le même temps, Apple rachète plusieurs rachats de sociétés de petite taille : Lala en décembre 2009 (vente et partage de musique en ligne) ; Quattro Wireless en janvier 2010 après le rachat de son concurrent Admob par Google (plate-forme de publicité pour appareils mobiles, qui donnera naissance à iAd en 2010, lequel fermera ses portes en 2016 sans jamais avoir connu le succès); Rare Light le même mois (une société développant des capteurs cardiaques, première incursion d’Apple dans le domaine de la santé), Intrinsity en avril 2010 (spécialiste de l’amélioration des puces ARM telles que celles utilisées dans l’iPhone et l’iPad) ; et bien sûr, Siri le même mois. Siri était depuis 2007 une technologie d’intelligence artificielle liée à la recherche d’informations suite à une question posée vocalement par l’utilisateur. C’est exactement ce qu’elle restera lors de son intégration à iOS en octobre 2011 (en version beta jusqu’en septembre 2013). Google et Samsung répliqueront dès 2012 avec Google Now et S Voice, puis Microsoft en 2014 avec Cortana.

La liste des acquisitions se poursuit en septembre 2010 avec le rachat de IMSense, spécialisé dans les photographies HDR (grande gamme dynamique), une technologie qui sera ensuite intégrée à l’appareil photo d’iOS. En septembre, c’est au tour de Polar Rose, une start-up européenne créée en 2007 et qui dispose d’une technologie prometteuse de reconnaissance faciale. Puis vient 2011 et le rachat d’Anobit, une entreprise israélienne spécialisée dans le domaine des mémoires flash, au coeur du stockage dans les appareils mobiles. Une acquisition frisant tout de même les 500 millions de dollars ! Un montant qui ferait presque oublier l’acquisition de Chomp, un moteur de recherche d’applications, pour un dixième de cette somme, afin d’enrichir l’App Store d’un système de recherche capable de chercher d’après les fonctions des logiciels, et pas seulement d’après leurs noms. Oui, c’est le prix d’un moteur de recherche en février 2012. Trois mois plus tard, la marque achète Redmatica, une startup italienne commercialisant un logiciel d’édition musicale (spécialisé dans l’auto-sampling des synthétiseurs midi externes afin d’en extraire des programme d’EXS24 – ne m’en demandez pas plus). Cette fonction réapparaîtra sous forme de plug-in dans MainStage 3 (l’alter-ego de Logic Pro pour les concerts), trois ans plus tard.


En juillet 2012, Apple rachète coup sur coup MOG (un service de streaming de musique âgé de 9 ans), puis AuthenTec, qui lui vaut un nouveau chèque de plus de 350 millions de dollars. AuthenTec, c’est une entreprise américaine développant des technologies de cryptage de données, de paiement sans contact, et de reconnaissance d’empreintes (que l’on retrouvera plus tard sous le nom de Touch ID dans iOS en 2013, puis dans macOS en 2016). En même temps qu’elle achetait AuthenTec, Apple achetait également une grande part des brevets de Privaris, l’un des partenaires de cette société. Pour terminer l’année, Apple commande au Père Noël la startup Particle (spécialisée dans l’HTML5) puis Color Labs (un service de partage de vidéos et de photos créé par Bill NGuyen, le fondateur de Lala — racheté par Apple en 2009). Cette dernière acquisition, au prix de 7 millions de dollars, reste des plus surprenantes, tant le produit racheté présentait peu d’intérêt, avec une base inférieure à 100.000 utilisateurs et peu de perspectives d’avenir.

En 2013, Apple cherche visiblement à améliorer son Apple Maps à tout prix. Elle achète coup sur coup WiFiSlam, un spécialiste de la cartographie d’intérieur des bâtiments publics (une technologie déjà utilisée par Google sur Android), puis Locationary (une société canadienne ayant développé une base de données des entreprises, basées sur les informations transmises par ses utilisateurs), HopSpot.com (une application compilant les informations de trafic routier de 300 villes, à la manière de Waze, échangé contre un chèque d’un milliard de dollars selon certaines sources), Broadmap (un bel imbroglio pour Apple, à tel point que l’entreprise ne sera pas dissoute et conservera une licence de ses propres technologies pour conserver ses contrats dont la résiliation anticipée aurait été trop coûteuse), Embark (une app dédiée aux transports publics).

La même année, plutôt fastueuse, Apple achètera également Novauris Technologies (une technologie de reconnaissance vocale), Catch.com (une application de prise de note concurrente d’Evernote), PrimeSense (une entreprise ayant créé le capteur 3D Kinect de la console XBox de Microsoft, qui lui coûtera tout de même 345 millions de dollars), Passif Semiconductor (qui développe des puces basse consommation pour le protocole Bluetooth et des SoC, System on a Chip ou Systèmes sur une puce — vous avez dit iWatch ?), Matcha.tv (un système de recommandation de vidéos pour les services de vidéo-à-la-demande), AlgoTrim (une entreprise suédoise spécialisée dans la compression des données et l’optimisation des services sur smartphone), Cue (un assistant personnel capable d’agréger des informations récupérées dans vos fichiers, agendas, mails, autant de domaines où Siri est aveugle), Acunu (un service d’analyse de bases de données qui pourrait améliorer le fonctionnement d’iCloud ou des boutiques d’iTunes), Ottocat (un autre moteur de recherches spécialisé dans les applications mobiles) et Topsy Labs (une technologie d’analyse des tweets en temps réel, qui servira de base à la suggestion d’actualités dans iOS 9).


2014 se poursuit sur le même rythme. Ainsi, dès le mois de janvier, Apple achète SnappyLabs, qui avait développé le logiciel SnappyCam, capable de déclencher l’appareil photo de l’iPhone en rafale à 60 images par seconde, grâce à un travail très poussé d’optimisation de la compression JPEG. Le mois suivant, Burstly les rejoint, avec sa plateforme TestFlight qui permet de suivre le développement puis la commercialisation d’une application mobile, du beta-test jusqu’à la répartition des revenus publicitaires. En mai, Apple rachète LuxVue Technology, un spécialiste des écrans basé sur des micro-LED.

Le 28 mai 2014, Apple signe le plus gros chèque de son histoire pour acheter Beats, une entreprise fondée en 2006 qui commercialise des casques audio avec un certain succès, puisqu’elle détient près de deux-tiers du marché des casques de plus de 100 euros. Beats, sous l’impulsion de son PDG Jimmy Iovine, et son VRP le producteur-chanteur Andre « Dr. Dre » Young, venait de racheter ses propres parts des mains d’HTC, pour se lancer dans le marché du Streaming musical. Spécificité de cette opération : Beats restera une filiale d’Apple, à l’image de FileMaker, en conservant donc son logo et sa culture. Beats, la radio en streaming, devient par la même occasion la première application Android gérée par Apple. Et quand Beats Music deviendra Apple Music (avec sa chaîne de radio Beats 1) le 30 novembre 2015, Apple maintiendra la compatibilité avec Android, et ajoutera même une nouvelle application dans le Play Store de Google, « Beats Pill+ », pour contrôler les enceintes du même nom.

Interrogé sur l’opportunité de dépenser le PIB du Burundi pour acheter un fabricant de casques, Eddy Cue, vice-président d’Apple, précisera qu’Apple voulait à tout prix s’adjoindre les services de Jimmy Iovine et Dr. Dre, qu’elle s’intéressait aux technologies développées dans les casques et les enceintes de la marque, mais aussi qu’elle considérait que Beats Music était le premier bon service de streaming musical sur le marché. De manière évidemment subsidiaire, la possibilité de disposer en exclusivité des albums produits par Dr. Dre, et plus largement de mettre un pied dans le monde de la production musicale, devait aussi plaire au constructeur.

Les acquisitions se poursuivent avec Spotsetter en juin, l’éditeur d’un petit moteur de suggestions de sorties, basé sur les habitudes des amis sur les réseaux sociaux ainsi que sur les recommandations des usagers des bars, restaurants et autres établissements situés à proximité. De quoi améliorer encore l’application Plans. Dans la foulée, c’est un autre moteur de suggestion, de lectures cette fois-ci, qui tombe dans l’escarcelle d’Apple. BookLamp rejoint Apple en juillet 2014, pour améliorer l’expérience utilisateur de la plateforme d’iBooks et mieux concurrencer Amazon qui excelle dans la vente de livres électroniques, et qui avait racheté un service similaire, Goodreads, l’année précédente. Le même mois, Apple achète encore un autre moteur de suggestions, de musique cette fois-ci : Concept.io de l’entreprise Swell, vraisemblablement pour améliorer la section « podcasts » d’iTunes. Puis vient le tour de Prss, un outil permettant de créer facilement des périodiques à diffuser sur iPad, qu’Apple pourra utiliser pour enrichir son logiciel iBook Authors. L’année 2014 s’achète avec le rachat de Union Bay Networks, une petite entreprise spécialisée dans le « Cloud ».


Durant l’année 2015, Apple va avaler plus d’une société par mois. Semetric ouvre le bal en janvier, avec son outil d’aide au marketing musical Musicmetric, qui surveille les réseaux sociaux pour rendre compte de l’accueil réservé par le public à un album, un chanteur ou un clip vidéo. Le mois suivant, Camel Audio, qui développe Alchemy, un logiciel de création musicale. En mars, FoundationDB, une entreprise spécialisées dans l’efficience des bases de données (ce dont Apple ne manque pas, entre iTunes, l’App Store et tous ses autres services en ligne). Apple s’offre aussi Dryft, l’éditeur d’un clavier virtuel plutôt innovant, capable de déplacer ses touches à l’écran pour compenser les mouvements de l’utilisateur et éviter les erreurs de frappe. De quoi améliorer encore la correction du clavier d’iOS, qui utilisait déjà un moteur de reconnaissance d’orthographe pour compenser les erreurs ? Toujours en avril, Apple s’offre Linx Imaging, une compagnie produisant des modules photo particuliers pour les appareils nomades, puisque composés de plusieurs optiques capables de travailler de concert. Il faudra attendre septembre 2016 pour voir un iPhone se parer d’un tel capteur (bien après ses concurrents Honor 6 Plus, LG V10, LG G5, Huawei P9 ou HTC M8…).

Le mois suivant, Apple achète Coherent Navigation, une toute petite startup plutôt habituée à travailler avec le Pentagone sur des technologies de géolocalisation de haute précision, associant les satellites GPS et Iridium pour améliorer le positionnement et contrecarrer les tentatives de brouillage. De quoi améliorer la précision de Plans dans des zones urbaines ou à l’intérieur des bâtiments ? Vient ensuite le tour de Metaio, une entreprise fondée en 2003 et qui s’était spécialisée dans la réalité augmentée, qui consiste à incruster en temps réel dans l’image que filme votre iPhone, des éléments supplémentaires, qui peuvent être aussi bien des annotations que des objets, des personnages ou des bâtiments. À la fin de l’été, Apple s’offre Mapsense, spécialisée dans le traitement des énormes volumes de données de géolocalisation issus des appareils mobiles. VocalIQ suit peu après, avec ses technologies promettant de faire dialoguer humains et ordinateurs de la manière la plus naturelle possible, notamment dans le domaine des véhicules autonomes, où l’on prête depuis longtemps de grandes ambitions à la marque à la pomme. En octobre, Apple rachète Perceptio, une startup tentant de développer une intelligence artificielle capable notamment de reconnaître les visages et les objets sur les photos et, plus efficacement encore, sur les vidéos. Perceptio cherchait notamment à réduire la dépendance de son intelligence artificielle aux données stockées en-ligne. Enfin, l’année 2015 s’achève avec le rachat de Faceshift et sa technologie de « Motion Capture », capable de reconnaître les mouvements et expressions d’un visage pour les appliquer à un modèle 3D. Cette technologie sera intégrée par Apple dans l’iPhone X en 2017, avec ses Animojis imitant les mimiques de l’utilisateur.

Une fois n’est pas coutume, Apple aurait également acheté en 2015 autre chose que des génies et des brevets : une vraie usine en brique et en ciment à San Jose, en Californie, une usine remplie de près de 200 machines capables de fabriquer des petits volumes de puces électroniques, par exemple pour la création de prototypes. Ladite usine appartenait auparavant à Maxim Integrated Products, un petit producteur de puces telles que des accéléromètres, baromètres, et autres capteurs médicaux, comme on en retrouve dans les iPhones ou les Apple Watch.


L’année 2016 commence comme 2015 s’était achevé, avec le rachat d’un autre spécialiste des expressions faciales. Mais Emotient ne se contente pas de recopier ces émotions : elle les analyse pour en déduire les émotions exprimées par le sujet. Vient ensuite le tour de LearnSprout, qui fournit aux écoles des logiciels pour suivre et analyser les résultats et les progrès des élèves. De quoi relancer l’intérêt des établissements scolaires pour l’iPad, malmené par des tablettes et des chromebooks moins chers. Nous sommes toujours en janvier et une troisième entreprise s’ajoute aux précédentes : Flyby Media, une petite entreprise spécialisée dans la réalité augmentée. En février, on apprend le rachat de LegbaCore, une entreprise spécialisée en sécurité informatique, qui avait notamment découvert Thunderstrike 2, le premier virus capable de survivre à une réinstallation complète du Mac, en se dupliquant dans les ROM des accessoires Thunderbolt. Changement de cap encore en août et en septembre avec le rachat de Turi et Tuplejump, deux groupes spécialisés dans le « machine learning », c’est à dire la capacité d’un logiciel d’apprendre au fur et à mesure de son utilisation, notamment pour éviter de répéter des erreurs et pour s’adapter à l’utilisateur, par exemple pour mieux cibler les publicités, ou détecter des anomalies ou des fraudes.

L’année 2016 se poursuit avec le rachat de Gliimpse, pour 200 millions de dollars tout de même. Gliimpse s’était donné pour objectif d’unifier les milliers de systèmes informatiques liés à la santé, pour permettre de collecter et partager ces données. On connaît les grandes ambitions d’Apple dans le domaine de la santé, avec notamment ses trois technologies complémentaires HealthKit, CareKit et ResearchKit qui sont au coeur des iPhones et des Apple Watchs. En décembre, Apple ajoute à la liste indoor.io, un autre spécialiste de la cartographie d’espaces fermés, comme les musées ou les aéroports : là encore, on imagine bien les avantages de cette technologie pour faciliter les déplacements avec le logiciel Apple Plans.


Décidément, Apple croit en l’intérêt de la technologie de reconnaissance faciale, puisqu’elle entame 2017 en acquérant un autre spécialiste du domaine, l’entreprise RealFace, qui optimisait notamment sa technologie pour qu’elle soit aussi économe que possible en resources. Au moment où Samsung s’apprête à commercialiser son Galaxy S8 doté d’une telle technologie permettant de déverrouiller l’appareil, on devine qu’Apple veut suivre le mouvement (qui se concrétisera avec la fonction de reconnaissance 3D des visages « Face ID » sur l’iPhone X). Seconde acquisition, l’entreprise Workflow, qui proposait une application permettant de créer des scripts pour automatiser des tâches entre plusieurs applications sur l’iPad, et donc gagner en productivité. Vient ensuite le tour de Beddit, spécialisée dans le suivi du sommeil, une fonction très populaire des utilisateurs d’Apple Watch souhaitant suivre leur activité nocturne. Apple remet ensuite un chèque de 200 millions de dollars sur la table pour s’offrir Lattice Data, une société ayant développé des outils permettant de structurer des données en vrac (on parle de « dark data ») pour en faire quelque chose d’exploitable par une base de données.

Au mois de juin, on soupçonne Apple d’avoir acheté l’entreprise allemande SensoMotoric Instruments, spécialisée dans l’analyse des mouvements de l’œil, une technique utile dans des domaines variés, de l’entraînement des sportifs à la réalité virtuelle, et de la psychologie à l’amélioration de l’apprentissage. On imagine déjà Apple marier cette technique à celle de la reconnaissance faciale pour rendre l’iPhone plus réactif aux mouvements des yeux de l’utilisateur, par exemple pour n’afficher une information à l’écran que si son propriétaire le regarde. Puis en septembre, on apprend que la pomme a croqué le français Regaind, une start-up spécialisée dans l’analyse de photos, de la reconnaissance de visages à l’évaluation de la qualité globale du cliché (netteté, exposition, qualité de l’arrière-plan, cadrage…). On découvre dans le même temps qu’un certain nombre d’employés de Vrvana ont rejoint la Californie, pour continuer à travailler sur leur technologie Totem, un casque de réalité virtuelle équipé de caméras au niveau des yeux, permettant d’obtenir une vision en réalité augmentée, avec une latence particulièrement courte.

En octobre, Apple achète Init.ai, une startup spécialisée dans l’automatisation de la relation clientèle, autorisant des échanges par message texte sans intervention humaine. Peu après, c’est un spécialiste des capteurs photo qui est suspecté d’avoir cédé au avances d’Apple : InVisage, créateur d’une nouvelle technologie de capteurs augmentant largement la réactivité et la sensibilité de ceux-ci, notamment en conditions de faible luminosité. Si plusieurs des ingénieurs d’InVisage ont bien adapté leur CV en précisant travailler dorénavant pour Apple, la marque à la pomme n’a pas confirmé l’acquisition. En octobre toujours, Apple achète PowerbyProxi, qui conçoit des modules de recharge par induction, et dispose de brevets améliorant cette technologie : recharge sous l’eau, sans alignement précis, ou dans un environnement poussiéreux, en parallèle avec du transfert de données, et avec une efficacité supérieure aux technologies concurrentes.

Le 11 décembre, Apple confirme une information qui circulait depuis quelques jours : elle vient d’acheter le fameux service Shazam, qui reconnaît en temps réel la musique ambiante (radio, boîte de nuit, fonds sonores de vidéos…), et qui est utilisée par plusieurs centaines de millions de personnes. Le montant de la transaction n’est pas connu, mais pourrait se situer aux alentours de 300 millions de livres car Shazam Entertainment Limited est une entreprise anglaise fondée en 1999 : à l’époque, la reconnaissance se faisait en appelant un numéro surtaxé, qui envoyait la réponse par SMS au bout de trente secondes d’écoute ! 

Shazam à ses débuts, quand il fallait appeler le 2580 (numéro payant, 50 cents par appel) pour recevoir le titre par SMS

2018 commence à peine qu’on apprend qu’Apple a acquis Spektral, spécialiste du détourage d’éléments de vidéo (pour supprimer le décor ou intégrer des éléments en réalité augmentée), puis Buddybuild, une firme canadienne spécialiste du service aux développeurs créée par deux anciens d’Amazon, et qui a notamment conçu un outil qui simplifie le déploiement d’applications et la gestion du code source, sur iOS et sur Android, cette dernière version étant destinée à disparaître. Le même mois, elle achète Silicon Valley Data Science (une boîte de consulting technologique), Tueo Health (spécialiste du suivi de l’asthme), Silk Labs et Laserlike, spécialisées dans l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique. D’autres suivront, comme Akonia Holographics (qui fabrique des optiques pour la réalité augmentée), Dialog Semiconductor, un concepteur de puces électroniques ainsi que Asaii et Platoon, deux services dédiés à la mise en relation entre les artistes en devenir et leur public.

L’une des acquisitions les plus visibles de 2018, c’est Texture, un service d’abonnement numérique à des magazines en-ligne. Une acquisition transformée en moins d’un an pour devenir Apple News+. Là encore, le service d’origine est recentré sur les produits macOS et iOS, laissant les utilisateurs Android sur le carreau.

Puis vient l’année 2019, au cours de laquelle la marque se montre assez peu gourmande. Le britannique DataTiger promet d’améliorer la communication avec ses clients au sein de leur « parcours marketing », tandis que PullString, spécialiste des assistants vocaux, doit permettre de créer des applications interagissant avec Siri. L’italien Stamplay, racheté en mars, rejoint les technologies d’Apple dédiées aux développeurs d’applications, pour intégrer plus facilement des services : paiement, messagerie, statistique… Au mois de juin, Apple confirme le rachat de l’américain Drive.ai, spécialisée dans les technologies de conduite autonome. Peut-être de quoi alimenter son projet Titan, si tant est que la rumeur dise vrai ?

Mais la grosse acquisition de l’été 2019, c’est le rachat de la branche « puces réseaux » d’Intel, de quoi enrichir son expertise dans l’architecture et les opérations des puces réseau, les technologies cellulaires et leurs protocoles. Avec cette opération, ce sont 2200 employés du fondeur qui déménagent à Cupertino avec leur équipement et leur propriété intellectuelle.

Autant dire qu’après une telle opération — estimée à un milliard de dollars — les autres acquisitions de 2019 impressionnent moins, que ce soit celle d’IKnema (spécialiste de la capture de mouvement, utilisée dans les milieux du jeu vidéo et du cinéma pour intégrer des personnages 3D) ou celle de Spectral Edge, avec sa technologie d’amélioration des prises de vue reposant sur l’intelligence artificielle. Une équipe qui rejoint celle de Camerai, rachetée plus tôt dans l’année dans le plus grand secret, avec sa technologie de détection d’objets en temps réel dans les photographies.

Le domaine de l’intelligence artificielle est décidément un secteur incontournable pour Apple, qui acquière en 2020 Xnor.ai, spécialiste de la reconnaissance d’images dont les calculs sont réalisés directement sur les appareils, dans la droite ligne des engagements de confidentialité chère à Apple. Rebelote avec sa seconde acquisition de l’année, Scout FM, qui diffuse des épisodes de podcasts en continu, à la manière de radios thématiques, là encore avec une bonne dose d’intelligence artificielle. Et dix de der avec le rachat de Voysis, qui améliore la compréhension du langage naturel dans les applications de shopping. Apple achète ensuite Dark Sky, une application météo dotée de fonctions avancées : prévisions hyper-localisées à la minute, suivi du mouvement des tempêtes, gestion granulaire des notifications, machine à remonter le temps.

Du côté du « big data », Apple enrichit son expertise en achetant Inductiv, qui développe un système de « machine learning » pour analyser, enrichir et nettoyer automatiquement le contenu de données utilisées ensuite par d’autres logiciels et services. Du côté de la réalité virtuelle, le rachat de NextVR lui permet de disposer d’une technologie qui permet de profiter d’événements sportifs et culturels sur des casques 3D — et de quelques dizaines de brevets correspondants. Achetées durant l’été 2020, Fleetsmith permet aux entreprises de gérer des flottes d’iPhone, d’iPad, de Mac et d’Apple TV, tandis que Mobeewave promet de faire de l’iPhone un terminal de paiement.


Même si Apple rachète une entreprise « toutes les deux à trois semaines » selon son PDG Tim Cook, la plupart de ces acquisitions se réalise sans médiatisation. On se rend compte qu’aujourd’hui, beaucoup de technologies d’Apple ne sont pas nées dans ses murs : Mac OS X, iTunes, iMovie et Final Cut , GarageBand et Logic Pro, Siri, Plans, iAd… Au passage, beaucoup des technologies acquises par Apple ont été éloignées par la même occasion des autres plateformes, la marque s’en réservant l’exclusivité (iTunes en a été une exception notable). Nécessité technique ou politique commerciale, les avis sont partagés… Le résultat est là : Apple a su intégrer ces technologies, en tirer le meilleur, et créer des solutions dont le succès ne se dément pas jusqu’à présent. Autre conséquence de ces rachats : avec des cerveaux de plus en plus éparpillés dans le monde, Apple a été contrainte d’ouvrir des centres de recherches et de développement dans de nombreux pays, soit pour adapter son offre au marché local, soit pour y faire travailler les ingénieurs ne souhaitant pas rejoindre les Etats-Unis.

Parmi les points communs à l’ensemble des sociétés rachetées, on trouve souvent un ou plusieurs précédents investisseurs, souvent à hauteur déjà de plusieurs millions de dollars. Il faut dire qu’avec ses centaines de milliards de dollars de côté, la firme à la pomme peut tout s’offrir. Que ce soit pour s’ouvrir de nouveaux horizons ou simplement pour améliorer l’expérience utilisateur de ses produits, et donc maintenir leur succès, les acquisitions de quelques dizaines de millions de dollars sont indolores, même quand elles paraissent disproportionnées. De toute manière, inutile de chercher à en savoir plus. Interrogés sur ces différentes acquisitions, les hauts responsables de la société se contentent généralement de répondre : « Apple buys smaller technology companies from time to time, and we generally do not discuss our purpose or plans ». En version française : « Apple achète de petites entreprises technologiques de temps en temps, et nous ne discutons généralement pas de nos objectifs et de nos plans ».